Du Gâtinais au Var en Hotchkiss J3
Et le troisième jour la cane, je veux dire Chamousette, était toujours vivante: la batterie chargée à fond et la confiance renforcée par les deux jours sans soucis techniques, nous sortons de Visan par la porte de Puy-Baret (nous étions rentrés la veille par l'autre porte, la porte Saint-Martin). L'existence du château de Visan remonte au dixième siècle: il se nomme le "Castrum Avisani". Une sombre histoire de dime entre le Pape (installé à Avignon) et les seigneurs du village semble avoir occupé une bonne partie du XIIIe siècle. Au final les fortifications encore visibles seront élevées par les Papes de 1359 à 1403. Deux lignes de remparts assurent la protection du village, lieu considéré comme stratégique pour contrôler les voies de communication entre le Comtat Venaissin et Valréas. Aujourd'hui, les caves du château ont été transformées en restaurant au nom de "Les Troubadours". Je recommande.
Commentaire de Chamousette: J'aime bien cette sortie théâtrale. Malheureusement cela manquait de public!
Pour des raisons qui n'ont rien à voir avec notre périple, nous partons plus tard que les deux jours précédents et notre premier arrêt sera à Vaison-la-Romaine, un des cent plus beaux détours de France! Manque de chance, ou pas, c'est jour de marché. Chacun sait que le marché de Vaison-la-Romaine est le plus grand marché de Provence. Cela signifie beaucoup de monde et un centre ville complètement engorgé.
Nous nous garons sur le parking de la cave coopérative, achetons quelques bouteilles laissées bien en évidence sur la banquette arrière pour, si besoin, argumenter que nous étions bien des clients de la cave.
Nous sommes dans le Haut Vaucluse.
Pour vous résumer, sur la rive gauche de l'Ouveze se tient la ville haute, campée aux pieds du château.
Nous sommes au début du XIIe siècle. Une fois de plus des tensions existent entre le clergé local (l'évêque) et le Comte de Toulouse, à qui la ville est rattachée par le biais du marquisat de Provence. Pour affirmer son pouvoir, Raymond VI (le Comte) fait élever une tour, en bois, puis, en 1195, en pierre. Ce sera un poste de surveillance militaire.
Du haut de la ville haute (moyenâgeuse), on domine la ville basse et les collines avoisinantes.
Accrochée à la roche d'une des sept collines qui entourent la ville basse, la ville haute est un dédale de ruelles qui serpentent à l'assaut de l'éperon.
Parfois, les ruelles s'ouvrent sur des places ombragées.
L'Ouvèze marque la séparation avec la ville basse, communément appelée ville neuve.
En septembre 1992, peut-être vous souvenez-vous de la crue qui a pendant cinq heures ravagé le bassin de l'Ouvèze. Le bilan humain sera lourd avec tente-sept victimes! Le pont romain a tenu!
A l'origine, la ville antique couvrait soixante-dix hectares. Deux quartiers sont encore visibles. Je vous propose ci-dessous " la villasse". Je ne vous fais pas l'affront de vous expliquer la signification du suffixe "asse", toujours aujourd'hui utilisé péjorativement. Ici, cette terminaison indique que le secteur était en ruine.
Je passe rapidement sur le marché, toujours aussi décevant! Beaucoup de marchands d'objets qui n'ont rien à voir avec la Provence, et même si cela est le cas, dont on est presque certain, en plus, qu'ils n'ont pas été produits en Provence!
Après nous être frayés un chemin dans la foule, nous retrouvons la voiture et reprenons sans délai les routes qui longent la face nord du Géant de Provence, le Mont Ventoux. Panoramas magnifiques, sur des axes peu fréquentés. Les trente-trois kilomètres qui nous séparent de notre pause déjeuner ne sont qu'une succession de virages, de montées et de descentes. Un régal (sauf pour la navigatrice qui est un peu trop ballotée à son goût!).
Commentaire de Chamousette: Si l'on m'avait laissé le choix, j'aurais bien gravi les vingt kilomètres nécessaires à me mesurer avec celui que l'on appelle le Géant de Provence! De quel droit se permet-il de nous toiser?
Notre halte se fait à Montbrun-les-Bains, village une fois encore à flanc de montagne. Nous sommes dans la Drôme.
Ce village fait partie des plus beaux villages de France et du Parc Naturel Régional des Baronnies Provençales.
Il y a principalement trois raisons pour se rendre à Montbrun: sur toutes les photos vous trouverez le campanile du beffroi. On y accède par les rues en pente qui irriguent le village.
Le deuxième point d'intérêt est le château Reybaud, donjon isolé de plan quadrangulaire. Malheureusement il n'est pas visitable.
Mais le plus important se trouve dans la ressource première: les sources d'eau sulfurée, déjà exploitées du temps des romains. Le Marquis de Suarez d’Aulan (propriétaire du château) fait construire en 1865 un établissement thermal copié sur celui de Baden-Baden.
Montbrun devient alors une ville d’eau importante, citée en exemple dans les milieux médicaux pour ses bienfaits dans le traitement des infections des voies respiratoires, l’arthrose, les rhumatismes, l'ostéoporose, les séquelles de traumatismes, etc…
Pour résumer, la guerre de 14-18 met fin à cette activité et ce n'est que le 4 mai 1987 que les nouveaux thermes ouvrent sur l'impulsion de la municipalité.
Nous reprenons la route au milieu des champs de lavande en direction de notre étape du soir: Gréoux les Bains.
Commentaire de Chamousette: je réfute le terme de "prendre la pose". En fait la senteur persistante de la lavande change un peu de l'odeur d'essence et d'huile chaude.
Avant d'atteindre Manosque, une pause rafraichissement s'impose et nous choisissons Mane. Après une rencontre fortuite avec un propriétaire d'Hotchkiss, ancien membre du club et qui habite le village, nous nous dirigeons vers le Prieuré de Salagon, situé à moins d'un kilomètre du centre-bourg.
Comme on peut le constater dans ce pays, les romains s'étaient installés un peu partout et avaient quadrillé le territoire par des routes.
Dès 118 avant JC, la voie Domitienne reliait l'Italie à la péninsule Ibérique et, vous vous en doutez, en passant par l'est du Luberon ou nous nous trouvons.
Je ne pense pas beaucoup m'avancer en disant que la proximité de cette route a fortement contribué au développement de Salagon, quand bien même on y a retrouvé des traces de cabanes datant du Néolithique. L'endroit sera, au cours de plus de 2000 ans d'histoire, successivement, Villa Romaine, puis Gallo Romaine, prieuré Bénédictin, résidence de campagne, puis ferme à nouveau.
Ce prieuré, daté du XIIe siècle, est devenu un haut lieu du tourisme et de la culture. Classé monument historique depuis 1981, le site offre maintenant un musée. Les extérieurs ont été aménagés en jardins. Ils sont au nombre de six ce qui explique le statut de "jardin remarquable".
La chapelle et les dépendances adjacentes des 16e-19e siècles servent de lieu d'exposition.
Je dois avouer que je suis resté perplexe devant les vitraux de l'église romane. Certes ils sont contemporains, mais il y a parfois des concepts artistiques qui dépassent ma compréhension. Ils sont d'Aurélie Nemours (1910 - 2005). Ancienne élève de l'Ecole du Louvre, l'artiste est peintre et poète. Elle est classifiée dans le genre "abstrait".
Je me dois de vous commenter la photo car elle ne rend pas la réalité. En fait les vitaux sont rouges et parcourus de lignes. Ce ne sont pas les murs qui sont rouges mais bien les vitraux.
Sous l'église actuelle on aperçoit des vestiges plus anciens.
Dans un des bâtiments annexes transformé en sorte de musée de la vie d'antan, une chambre type a été reconstituée.
Dans l'espace jardin, on trouve un jardin médiéval, un jardin de simples et de plantes villageoises, un jardin des senteurs, un jardin de la noria, un jardin du chêne blanc et un jardin des temps modernes. L'ensemble représente plus de deux mille cinq cents espèces.
Nous contournons Manosque, ville natale de Jean Giono, traversons la Durance et son canal pour rallier Gréoux-les-Bains. C'est ici que Jean Giono , qui considérait Gréoux comme étant l'oasis romantique du Verdon, venait soigner sa goutte en été.
Commentaire de Chamousette: Attention. J'entends d'ici les esprits taquins faire le rapprochement entre la goutte de monsieur Giono et les grincements dans mes articulations! De toute manière, je n'ai pas été conçue pour les cures thermales.
Notre hôtel à l'architecture contemporaine et aux lignes basses se situe à portée de marche du centre-ville, mais néanmoins dans une zone résidentielle. La végétation fait le reste pour offrir un cadre sympathique et surtout très calme. Ici, nous sommes dans le pays des curistes, et les hôtels proposent des studios plus que de simples chambres.
Après avoir mis la voiture en biberonnage, nous finirons cette journée épuisante par quelques brasses revigorantes.
Commentaire de Chamousette: Puisque nous sommes sur les terres de Jean Giono, permettez-moi de reprendre une de ses nombreuses citations : "La jeunesse n'habite pas les muscles: elle habite l'âme"! (Triomphe de la vie 1941). Ce message, comprendra qui veut, est destiné à celles et ceux qui pensent qu'il faut être physiologiquement jeune pour en avoir le comportement, les envies et l'attitude. Moi, Chamousette, née en 1949, je vous prouve que cet homme avait tout compris. Vous me pardonnerez de faire cette comparaison entre les êtres humains et les voitures!
Du Gâtinais au Var en Hotchkiss J3
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