Rallye de l'association des Clubs de Marque au pays de Rabelais 2
Si je devais résumer cette dernière demi-journée, je pourrais reprendre ce dicton géorgien:
"Pierre à sa place est lourde, mais une fois levée, elle devient légère".
car d'une certaine manière, le fil conducteur de cette dernière étape est bien la pierre.
Nous allons en effet découvrir le dur travail de son extraction, et la majestueuse prestance du Château de Brissac, plus haut château de France avec ses 7 étages, tout en pierres bien entendu.
Je tiens à apporter une précision supplémentaire sur les livres de route. Les pages de gauche offrent un résumé des lieux d'intérêt dans lesquels nous devons nous arrêter, ou bien où nous aurions pu ou du faire une halte (très frustrant après coup de ne pas l'avoir fait). On sait tous que l'on est toujours plus intelligent après!
Mais revenons au départ pour vous proposer à nouveau la fort belle Delage DI Torpédo ponté 1925 de Reine, une de nos Miss fleuries de la veille.
Après être passés rapidement (trop) devant le château de Brézé et ses douves les plus profondes d'Europe (18 mètres), nous arrivons à Montreuil-Bellay.
Montreuil-Bellay est une petite commune du Maine-et-Loire d'environ 4000 habitants. La ville est bordée par le Thouet, rivière canalisée dont on a aujourd'hui du mal à imaginer qu'elle fut un axe de transport important (vin, céréales, tuffeaux…) Elle présente d'ailleurs un éventail complet de l'évolution des techniques de franchissement de dénivelés, depuis le pertuis jusqu'à l'écluse moderne, et en particulier 3 paléo écluses.
Le premier donjon est construit en 1026, sur les ordres de Foulque Nera, puissant comte d'Anjou, dont l'histoire se souvient comme d'un personnage violent et belliqueux . Son surnom est "faucon noir" en rappel de sa peau foncée.
Peu nombreux, parmi les participants au rallye de l'association des Clubs de Marque, seront celles et ceux qui s'offriront une pause à Montreuil-Bellay, sans doute pressés de rallier les Perrières des Falun (ou falunières). Nous passons aussi non loin du Puy Notre dame, bien connu des amateurs de cyclecars et tricycle cars, puisque c'est dans le village qu'est organisé chaque dernier week end de juillet, le grand prix rétro.
Le site est une ancienne carrière, et le parking se trouve en contrebas de la petite route qui y conduit.
Comme cela est fort bien résumé sur le livre de route, qui se transforme pour l'occasion en guide touristique, le falun est un dépôt sédimentaire marin du cénozoïque (ère géologique qui a débuté il y a plus de soixante cinq millions d'années et qui dure toujours). Il y avait en Anjou une mer peu profonde, et le climat se rapprochait d'un climat subtropical.
Les faluns sont des roches sédimentaires utilisées pour la construction. Elles résistent à la compression, au gel et leur porosité bloque les remontées d'humidité (c'est la raison pour laquelle les premiers rangs des maisons en étaient constitués). Le falun sera aussi utilisé au Moyen Age pour la fabrication de sarcophages.
L'exploitation de cette pierre a été réalisée dans des carrières appelées falunières. L'épaisseur de roche est d'environ 20 à 25 mètres.
Il est plus facile d'imaginer les conditions d'exploitation de ces carrières, au dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l'aide des images projetées dans les galeries, car la visite est enrichie d'une série de scénographies. Le numérique dans des caves troglodytes.
Les paysans locaux, en complément de leur travail habituel, et avec pour seuls outils des pics et des scies, creusaient des puits dont l'accès n'était possible qu'à l'aide d'échelles.
Tout au long du parcours dans la galerie, les visiteurs sont les spectateurs de jeux de lumières qui retracent la succession des changements climatiques qui ont permis la création de cette pierre sur une période de dix millions d'années.
Le parcours demande moins d'une heure, et les salles successives réservent parfois des surprises. Ici, on assiste au bal des méduses. L'effet est saisissant, mais la danse inconnue.
Les sédiments marins ne sont pas seuls à l'origine de cette pierre.
La savane qui bordait la mer était peuplée d'animaux comme on en trouve dans les savanes d'Afrique.
La fin de matinée approchant, nous atteignons le point final de cette randonnée: le château de Brissac, érigé en pleine région des crus de Bonnezeaux. Je connaissais les Coteaux du Layon, mais pas ce vignoble planté sur des coteaux aux pentes abruptes exposés sud-ouest, et qui par la conjonction des vents desséchants et d'une alimentation hydrique très faible permettent une concentration des baies par flétrissement sur souche. Vous l'aurez compris, c'est un vin de dessert.
C'est Foulques Nerra, comte d'Anjou, déjà cité plus haut à propos de Montreuil-Bellay, qui est, dès le XIe siècle, à l'origine de la construction de ce monument, monument au sens propre comme au sens figuré du mot. Sa vocation d'origine était militaire.
Après avoir été, entre autres, la propriété de Pierre de Brézé, chef de guerre et ministre de Charles VII et plus tard de Louis XI, Brissac devient un château familial qui appartient à la même famille depuis le 26 mai 1502, date d’achat de la seigneurie par un gentilhomme angevin, René de Cossé.
514 ans plus tard, en 2016, ses descendants, le marquis et la marquise, habitent toujours cette demeure avec leurs quatre enfants.
Pendant les guerres de religion, le château subit des dommages. Les architectes Dangluze et Corbineau entreprennent de le reconstruire en plus grand. Nous sommes en 1606. Hélas, le maître des lieux, Charles II de Brissac, décède brutalement en 1621, et son fils stoppe immédiatement les travaux qu'il juge trop somptueux. Cela fait de Brissac "un château neuf à demi construit dans un château vieux à demi détruit".
L'ensemble fera l'objet de restaurations et de réparations et offre aujourd'hui des pièces meublées. Rassurez-vous, sur les 204 pièces que compte "Le géant du Val de Loire", seules quelques unes sont ouvertes à la visite. Par contre le château est disponible pour des séminaires ou des réceptions.
Je me plais à penser qu'y jouer à cache-cache doit prendre des heures, si ce n'est des jours!
Le salon ci-dessous est le salon doré. Son nom provient de son plafond du XVIIe siècle à poutres et caissons dorés (CQFD). Portraits de famille et tapisseries des Gobelins du XVIIIe siècle assurent la décoration murale.
Le repas de fin de rallye nous est servi à l'étage. Au menu, Coulibiac à la Moscovite, Filet Mignon de veau, curé Nantais & Sainte Maure de Touraine avant une trilogie de desserts de la région.
La décoration y est assurément plus recherchée qu'au restaurant SODEXO du coin. Marques disparues, certes, mais l'on sait recevoir chez le Marquis!
Cerise sur le gâteau, le marquis Charles-André de Brissac nous fait l'honneur d'un discours. Arnaud et son équipe ont fait aussi bien que Stéphane Bern! Chapeau bas! A quand le loto de sauvegarde des marques disparues?
Une petite anecdote pour finir: la jeune fille que vous voyez allongée sur le tableau est la duchesse d'Uzès, Marie Adrienne Anne Victurnienne Clémentine de Rochechouart de Mortemart de son nom de jeune fille.
Pionnière de l'automobilisme féminin, on lui attribue d'avoir été la première femme détentrice du "certificat de capacité", permis de conduire avant l'heure.
Par contre, ce qui est certain, c'est qu'elle fut la première à avoir été verbalisée pour "vitesse exagérée au Bois de Boulogne", ce qui en clair signifie qu'elle roulait, à bord de sa Delahaye type 1 de 1897, au-dessus de la vitesse maximum autorisée de 12 km/heure!
Pour information cette voiture, d'ordinaire exposée depuis 1927 au palais de Compiègne, est en photo page 32 du LVA n° 1840, à l'occasion de l'exposition Delahaye des 15 et 16 septembre (journées du patrimoine à Compiègne).
Belles
C'est un mot qu'on dirait inventé pour elles
Quand elles roulent et font ronronner leurs bielles, tel
des oiseaux qui étendent leurs ailes pour s'envoler
Alors je sens l'enfer s'ouvrir sous mes pieds
J'ai posé mes yeux sous leurs capots de titane A quoi me sert encore de prier Notre-Dame
Quels sont ceux qui leur jetteront la première pierre
Ceux-là ne méritent pas d'être sur terre
O Lucifer !
Oh ! Laisse-nous encore plus d'une fois
Rouler toujours à bord de nos Esméralda
En résumé, encore un grand merci à l'équipe des Doyennes de Panhard & Levassor pour ce fort beau Rallye. La barre est haute pour nos amis du club Salmson, en charge du prochain rassemblement 2019.
Rallye de l'association des Clubs de Marque au pays de Rabelais 2
© Eric Nicolas 2021. Site créé par l'Astrolabe 🚀