Rallye de l'association des clubs de marque au pays de Rabelais 1 : Samedi
Pourquoi parler ici de François Rabelais? Tout simplement parce que le personnage vit le jour non loin de là, à la Devinière, près de Chinon. Pour le reste, je ne trouve point de comparaison possible entre la vie mouvementée de celui qui passa de la vie monastique à celle de docteur en médecine puis d'écrivain, et l'organisation d'un joli rallye de voitures anciennes.
La journée s'annonce belle, mais l'humidité de la nuit combinée à la relative fraicheur au lever du soleil contribuent à la formation de buée sur nos chères doyennes.
Une surprise au lever: un lama se promène tranquillement dans le terrain clos de murs, à l'arrière du gite.
Rabelais écrit dans Gargantua: " lever matin n'est poinct bon heur, boire matin n'est que bonheur!".
Nos amis du club des Doyennes de Panhard & Levassor n'ont appliqué que la moitié du précepte, puisque nous resterons à jeun jusqu'à midi, en conducteurs responsables que nous sommes. Par contre le départ n'est donné qu'à 9h00. Ceci dit, nos anciennes boivent un peu comme des trous, un peu comme le Gargantua de Rabelais, donc tout bien pesé...
Comme toujours les heures qui précèdent un départ, chacun y va de ses routines; j'entends par là la vérification des divers niveaux. Jean-Pierre ne fait pas exception à la règle, mais j'ai pris cette photo surtout pour illustrer les cinématiques des ouvertures de sa voiture.
Bref, juste un peu avant 9h00, les bouillants sont sur la ligne de départ. En fait je devrais plutôt dire les fumants, car il faut le dire, si dans l'ensemble (euphémisme) nos voitures émettent des gaz peu en ligne avec les normes actuelles de pollution, les Panhard produisent, en plus, des nuages de fumée impressionnants! La cause profonde de ce spectacle fumigène réside dans le principe du moteur sans soupapes, dans lequel ces dernières sont remplacées par deux manchons qui coulissent. Du coup, il y a des remontées d'huile. Pour en savoir plus, vous pouvez lire un article de L.Baudry de Saunier.
En ce samedi matin, le livre de route nous dirige vers l'Abbaye Royale de Fontevraud.
Un petit point sur ce livre de route, car il a fait l'objet d'un travail important de la part de nos organisateurs. On y trouve, bien sûr, les kilomètres partiels et cumulés, auxquels s'ajoutent des représentations des panneaux de signalisation à chaque bifurcation (la veille nous avons été prévenus que si on ne nous demande pas de tourner, par défaut il faut continuer sur la même route). La nouveauté, par contre, c'est que les indications directionnelles sont complétées d'une photo satellite elle-même enrichie d'une flèche jaune qui indique le chemin. Cerise sur le gâteau, une reproduction de carte routière est à la disposition du navigateur, en fin de livret. En résumé, je salue ici la qualité du repérage et du travail sur ordinateur de l'équipe organisatrice. Ceci dit, cela n'a pas empêché certains de se fourvoyer … sûrement le temps nécessaire à l'adaptation à cette formalisation des instructions.
Les 48 équipages rentrent un par un dans la cour de l'Abbaye. Sous le porche, une borne rétractable doit être abaissée au passage de chaque voiture. Nous verrons plus loin que cela demande de la coordination.
Autant vous le dire tout de suite, Arnaud et son équipe ne nous ont pas saoulés de discours pendant le week-end. Je dirais même qu'ils ont fait le minimum syndical, mais nous n'étions pas venus pour cela, et c'était à l'image de la forme de liberté laissée aux participants tout au long de ces deux jours. Tout ou presque est dans le livre de route. Chacun vit sa vie dans le respect général des horaires.
L'abbaye de Fontevraud est un site que je qualifie de monumental. Si elle est une des plus grande cités monastiques d'Europe, c'est parce que ce ne sont pas moins de 4 monastères qui, du temps de leur splendeur, y étaient hébergés. Le foncier s'étend sur 13 hectares clos.
L'Abbaye rayonnera pendant 7 siècles. La révolution française marquera son arrêt. De 1804 à 1963 les bâtiments seront utilisés comme maison d'arrêt. De cette prison, Jean Genet, écrivain qui, dans sa jeunesse, fera lui même plusieurs fois de la prison, écrira: " de toutes les centrales de France, Fontevraud est la plus troublante. C'est elle qui m'a donné la plus forte impression de détresse et de désolation, et je sais que les détenus qui ont connu d'autres prisons ont éprouvé, à l'entendre nommer même, une émotion, une souffrance comparables aux miennes."
L'ordre de Fontevraud présentait deux spécificités majeures:
L'abbaye a fait l'objet d'énormes travaux de restauration. La pierre de tuffeau, matériau tendre sujet à l'altération du temps qui passe, est la base des bâtiments. Il a fallu remplacer nombre de pierres, ce qui donne à l'ensemble un aspect de neuf. Il se dit aussi que la restauration de ces bâtiments a consommé une grande partie des crédits, au détriment d'autres chantiers, et de fait suscité un peu de jalousie…
Ce qui est sûr, c'est que depuis ma dernière visite, l'endroit est presque méconnaissable.
Quand on visite un monastère, la recherche du cloître est un incontournable. Celui-ci fait partie d'un des 4 monastères: celui du Grand Moûtier. Il est aussi appelé cloître de Louise de Bourbon, cousine de François 1er et abbesse des lieux de 1534 à 1575. C'est Louise qui terminera le cloître.
Quant à l'abbatiale, elle surprend par sa hauteur.
A l'époque médiévale, les bâtiments religieux étaient agrémentés de décors peints ou sculptés. Ceci pour deux raisons principales:
Nous ne sommes pas ici à Lyon pendant la fête des lumières, mais la technologie remplace la polychromie effacée.
C'est dans la salle capitulaire (lieu de réunion de la communauté) que les religieuses se retrouvaient pour la lecture des chapitres de la règle, ou pour délibérer des affaires importantes. La pièce est aussi appelée salle des chapitres.
Au dessus des stalles, des illustrations datées de 1563 retracent des évènements de la vie du Christ. Ici, l'artiste, Thomas Pot, a représenté l'Ascension.
Après une petite paire d'heures passées à déambuler, chacun reprend son véhicule. A nouveau la borne rétractable rythme le passage sous le porche. Et c'est là que l'incident se produit. Une mauvaise coordination entre la préposée à l'ouverture de la borne et le chauffeur de l'Hotchkiss Monceau provoque la remontée de cette fichue bite métallique sous la voiture, au moment de son passage, entraînant une déformation du pare-chocs avant, de la calandre, du radiateur et des pales du ventilateur. Heureusement, quelques coups de marteau permettront à la voiture de repartir et de rentrer à bon port (Est de Paris) dimanche soir.
Avec l'humour qui la caractérise, et malgré la contrariété, Geneviève expliquera plus tard que les Hotchkiss sont des voitures solides!
La route qui rallie Fontevraud à notre point d'étape suivant passe par Chinon. Traverser la Vienne est toujours un ravissement. Peu avant de rejoindre la Loire (15 Km), la rivière est presque opulente. Elle s'est gonflée tout au long des 350 km parcourus depuis le plateau de Millevaches.
Sur les hauteurs de la Vienne, les murs de la forteresse Royale de Chinon s'étirent de part et d'autre des logis royaux. De-ci de-là, quelques tours de défense ponctuent l'ensemble.
Mais revenons au rallye. L'organisateur, dans sa grande sagesse, s'est entouré de deux Anges Gardiens: ceux-là même qui accompagnent depuis de nombreuses années les Hotchkiss durant le rallye National. Très bonne initiative car Jacky et Christian ont été bien sollicités tout au long de ces deux jours. Témoins d'une Panhard & Levassor en panne sur un rond point (c'est toujours dans un endroit malcommode que cela arrive), la solidarité joue à plein, et nous sommes un nombre important à promptement pousser la voiture sur un parking situé non loin de là.
Premier réflexe: y a-t-il encore de l'essence? Ce n'est pas la cause première, mais notre doyenne repartira.
Très peu de temps après c'est une autre Panhard & Levassor qui s'arrête inopinément. La malédiction du Dieu du moteur à explosion s'abattrait-elle sur cette marque? Les Ladies assises sur la banquette arrière restent à leur place, et la mêlée s'organise. Les hommes forts poussent!
Notre matinée touche à sa fin. Nous arrivons au château de Villandry. Ma dernière visite à Villandry remonte à mes 18 ans, lors d'une randonnée en cyclo camping le long de la Loire. Vous dire que mes souvenirs de l'époque sont précis serait mentir. Je me souviens juste des jardins. Mais pour commencer l'heure est à se restaurer au buffet. Il y a des priorités!
D'aucuns considèrent Villandry comme un des derniers palais Renaissance. Quel plus joli écrin pouvait-t-on trouver pour nos voitures ?
Mais Villandry est surtout connu pour ses remarquables jardins. C'est un long travail de reconstitution sur la base de documents d'époque laissés par l'architecte Jacques Androuet du Cerceau (1511 - 1584) qui a permis d'offrir ce spectacle. Pour mémoire, son fils, Jacques II Androuet du Cerceau sera aussi architecte. En fonction au Louvre, on lui doit la grande galerie.
L'origine du potager date du moyen age, période pendant laquelle les moines cultivaient leurs légumes dans des jardins aux formes géométriques. L'influence Italienne va ajouter des fleurs, des statues et des fontaines.
Essayez d'imaginer: 6 hectares sur 4 terrasses, 115 000 plants dont la moitié élevés sur le domaine. 10 jardiniers à plein temps! cela rend humble!
Chercher une position dominante pour obtenir un cliché d'ensemble, tel est la constante recherche du photographe.
Si tôt le tour des jardins terminé, nous nous dirigeons plein ouest pour rejoindre Saumur, ou nous attend le musée du moteur.
Premier musée entièrement consacré au moteur thermique, il a été créé à Saumur en 1986 par la triple volonté des anciens élèves de l'École Industrielle de Saumur, de la Ville de Saumur et du Lycée Sadi Carnot.
Il a pour objectif de présenter et faire vivre les moteurs à combustion interne anciens ou contemporains. Autrement dit c'est un lieu pour les vrais amoureux de la mécanique, d'autant que ces moteurs fonctionnent!
Collection originale réalisée par des passionnés, ces moteurs ont été utilisés en moteurs principaux ou auxiliaires pour les transports, les groupes électrogènes, les motopompes, les moteurs fixes et dans tous les domaines nécessitant de l’énergie mécanique. Les fabrications s'échelonnent de 1898 à nos jours.
De 1 à 12 cylindres, les poids varient de 81 grammes à 21 tonnes.
Ce Sulzer Diesel n'est certes pas le plus puissant du monde, mais il a été utilisé tout autour de la planète: Philippine, Australie …
On trouve tous les types de moteurs, comme l'illustre le Viking qui équipait Ariane IV. Il se compose d'une chambre à combustion dans laquelle on injecte les ergols (combustibles liquides) sous pression pour les transformer en gaz, une tuyère de détente dans laquelle les gaz acquièrent une vitesse de détente de plus de 1500 m/seconde, un système d'alimentation du foyer (turbo pompe), et des régulateurs. Bref un peu plus complexe que le meilleur moteur de nos anciennes!
Plus proche de ce que nous connaissons, ce moteur monobloc de 1325 cc qui équipait les voitures Majola vers 1910. Si vous êtes curieux de cette marque, suivez ce lien.
Pour tout vous dire, les épouses ne se sont pas passionnées pour ce musée, mais on ne peut pas leur en vouloir, car il faut vraiment être fin connaisseur pour en apprécier toutes les pièces exposées.
Le retour vers le domaine de Roiffé s'opère tranquillement. Une épreuve supplémentaire se profile: le diner de gala!
Pour tout vous dire, notre ami Arnaud nous a informés, dans le courant de l'été, que nous étions conviés à nous habiller style années 30 le samedi soir. Une des activités des vacances a été de trouver des habits susceptibles de faire illusion. Chacun se retrouve donc pour l'apéritif, en tenue d'époque.
Efforts (ou pas) qui porteront leurs fruits et rendront Arnaud heureux, puisque nous aurons droit à un : "vous êtes tous beau" ! Pari gagné. D'habitude c'est à nos voitures que l'éloge s'adresse, donc savourons pleinement le compliment à sa juste mesure!
Vers la fin du repas quelques récompenses (rosiers de la région) sont distribuées, comme par exemple: la voiture la plus ancienne (Delage DI 1925) conduite par une Reine (c'est son prénom) en tenue de princesse que la Reine d'Angleterre elle-même aurait approuvée !
Vient le tour de la plus malchanceuse, et c'est Geneviève qui l'emporte haut la main! Etonnamment personne ne conteste ce choix. Il faut dire que recevoir des fleurs quand on conduit une Monceau, cela coule de source !
La journée s'achève. Nous avons parcouru 160 kilomètres et découvert, ou redécouvert, quelques uns des brillants chef-d'oeuvres de l'architecture de cette si belle région.
Rallye de l'association des clubs de marque au pays de Rabelais 1
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