Le projet en simple: déposer la petite dernière Hotchkiss chez tonton Patrick, récupérer Chamousette en soins hivernaux depuis le début de l'hiver et profiter de l'occasion et d'un week-end à rallonge pour filer en Bretagne en ancienne.
Parmi les opérations effectuées, il faut noter le remplacement du filtre à huile d'origine par un filtre moderne. L'objectif est double: supprimer les suintements d'huile à l'embase de la cloche (l'étanchéité est très aléatoire) et conserver une pression lors de l'arrêt et du redémarrage du moteur.
A défaut du rallye prévu par le club en vallée du Rhône mais annulé pour les raisons sanitaires, je vais promener en terre Armorique et visiter quelques adhérents .
Le premier épisode se passe sans soucis. L'Anjou, pour qui c'est la première grande sortie, roule bien et c'est même avec un peu d'avance sur l'horaire annoncé que j'arrive à destination. La voiture est étonnamment douce et plaisante à conduire. Si je n'ai jamais raffolé des lignes "ponton", l'ensemble est harmonieux. La couleur "vert Raphaël" y est sans doute pour quelque chose. Comparé à son ainé à six bougies, le quatre cylindres allège considérablement le train avant, et malgré un recul de la puissance, l'auto est vive. Même la boîte de vitesse est douce, si l'on respecte le bon mode opératoire. Lente, mais facile à utiliser.
Pour la première fois les deux voitures se retrouvent ensemble.
On fait le point sur les travaux réalisés sur l'une et sur ceux à faire en priorité sur l'autre.
Au bout d'une heure environ, je change donc de monture pour rejoindre la Bretagne. Il est hors de question de prendre l'autoroute et c'est donc plus ou moins par l'itinéraire emprunté lors d'un précédent week-end que nous nous élançons.
Clairement la conduite de la Gascogne ramène son conducteur à des temps où conduire était un sport en soi. La direction est lourde et manque de précision. Le six cylindres est plus lent à s'animer que son petit frère. On est assis plus bas.
Les référentiels de conduite automobile ont certes changé, mais c'est avec admiration que je pense aux conducteurs d'antan car, quand bien même le concept du rond point n'avait pas encore été inventé, les routes, au sortir de la guerre, n'offraient pas les mêmes qualités de revêtement qu'aujourd'hui.
C'est Fougères qui marque la première halte. Le château est presque complètement enfermé dans la ville et il est compliqué de trouver le bon endroit pour la photo souvenir. Le temps est compté et la visite scénographique qui nécessite une heure trente sera pour une autre fois.
La ville de Fougères est liée à l'histoire du château qui s'étend sur environ deux hectares. Je vous passe les détails des sièges et changements de propriétaires successifs.
Une petite halte devant l'église Saint-Léonard, l'une des deux églises paroissiales de Fougères. La suite des évènements m'indiquera que j'aurais sans doute du en faire un peu plus qu'une photo extérieure et peut-être y allumer un cierge!
La pierre utilisée est la "kersantite" ou plus communément appelée le granite de Kersanton, commune du Finistère. En fait on en trouve à plusieurs endroits en Bretagne et même sur d'autres continents. C'est une roche mafique (riche en magnésium et en fer) subvolcanique.
Toujours fidèle à la méthode qui consiste à ne pas tout programmer mais à profiter des lieux d'intérêts qui se présentent au fil de l'itinéraire, Chamousette et votre serviteur découvrons le château du "Rocher Portail". C'est un monument de la fin de la Renaissance, construit sur les bases d'un ancien château médiéval. On doit sa construction à Gilles Ruellan, baron du Tiercent, marquis de La Ballue et originaire du pays de Fougères, ami d'Henri IV et de Richelieu.
Gilles Ruellan débute comme voiturier d'un marchand de toiles, certains disent mêmes qu'il officiait comme valet. Devenu expert en "bonnes affaires", il s'élève en devenant un propriétaire richissime, fermier des impôts sur les vins pour la Bretagne. Anobli en 1603, il occupe les fonctions de pourvoyeur de fonds à la Cour. Une belle ascension sociale!
Le château est terminé en 1617. Disposé en U, il se compose de trois grands corps de bâtiments terminés par quatre pavillons d’angle ouverts sur les quatre orients. Les toits très élevés reposent sur des corniches "modillonnées" (ornement en forme de console renversée, placé sous le larmier d'une corniche comme pour la soutenir) et portent sept élégantes lucarnes au fronton courbe. Comme pour mettre un point d'orgue à cette harmonie des lignes, les hautes cheminées reçoivent elles aussi un couronnement de forme arrondie, plus tardif.
Aller de l'Ille-et-Vilaine aux Côtes d'Armor n'est qu'une formalité. Tout s'est bien passé. La voiture a fonctionné à merveille. La fiabilité de l'indicateur de pression d'huile d'origine laissant planer un doute (une simple graduation), j'ai fait ajouter un manomètre. En plus de connaitre maintenant la pression exacte (graduation plus précise), les deux instruments de mesure affichent globalement les même valeurs. J'atteste donc que la pression était parfaite tout au long du voyage.
L'arrivée à Saint-Brieuc se passe bien et Chamousette et moi rejoignons la résidence où loge ma sœur. Pour l'anecdote, les manœuvres pour se garer n'ont pas manqué d'attirer l'attention des voisines en mal de distractions!
Le lendemain matin, j'avais rendez-vous avec un des adhérents du club que je ne connaissais que par téléphone. A l'heure prévue je démarre la voiture et constate qu'il n'y a plus de pression d'huile! Deux redémarrages confirment le verdict: la pression d'huile aux manomètres ne décolle pas du zéro pointé! Je vérifie qu'il y a bien de l'huile. De ce côté là tout est bon. Pas de fuite sous la voiture non plus.
Après un rapide coup de téléphone à Super Patrick, l'évidence s'impose: faire appel au service dépannage de l'assurance. Le rendez-vous est pris pour la fin d'après-midi. La voiture sera transportée à Mamers dans le courant de la semaine.
Quant à moi, je vais me faire rapatrier par le train puis taxi vers Mamers (aucune voiture de location disponible en Bretagne en ce week-end de l'Ascension) pour récupérer l'Anjou et rentrer à Montargis. Aussi évidente que soit cette organisation, je crois qu'il a fallu un bon moment pour que la préposée de l'assurance en admette le schéma à défaut d'en comprendre la logique.
Initialement, je devais reprendre l'Anjou immédiatement pour rentrer. Dans les faits, Super Patrick a entrepris quelques opérations urgentes sur la voiture et c'est bien après 20h00 que nous avons plus ou moins terminé. L'hospitalité Sarthoise a fait le reste.
L'Anjou est dotée d'une jauge à niveau d'huile qui est constituée d'un flotteur en liège et d'une partie supérieure qui monte ou descend en fonction de la quantité d'huile dans le carter. Après la dernière vidange, l'indicateur de niveau ne fonctionnait plus. Il était donc impossible de vérifier la quantité d'huile restante.
La seule solution pour connaitre la cause du dysfonctionnement est de démonter le carter.
Aussitôt dit, aussitôt fait! Nous comprenons vite la cause de la disparition. Il ne sera pas utile de faire appel à RMC Story et Patricia Fagué! Avec le temps le morceau de liège s'est désagrégé et ne remplit plus son rôle. CQFD.
Dans ma grande sagesse (il n'y a pas de mal à se complimenter soi-même), j'avais acquis auprès du club Hotchkiss un kit de joints en liège. Un joint tout neuf sera posé au remontage du carter. Gérer c'est anticiper. A défaut d'avoir prévu le coup de calcaire de Chamousette, on a pu au moins procéder à quelques corrections sur l'Anjou.
Après une nuit chez l'habitant et les derniers contrôles, l'Anjou reprend la direction de Montargis. Depuis le temps que je réalise ce trajet, je n'ai jamais saisi l'opportunité de m'arrêter devant le château de Beaumont les Autels. C'est une demeure privée qui ne se visite pas, mais dont l'aspect extérieur mérite cependant une petite pause.
Comme cela est expliqué sur le site des châteaux de France, l'édifice fut
" tout d'abord une simple tour féodale. Sa position stratégique à l'entrée du Perche en fit un lieu convoité par les troupes anglaises qui s'en emparèrent au XIVe siècle. A la même époque, l'illustre famille d'Estouteville acquit le château et ses fiefs. C'est au milieu du XVIe siècle que fut entamée la construction du nouveau château par Jean II du Blosset. Elle fut achevée vers 1580. La puissante famille de Rohan posséda le domaine au XVIIe siècle. La demeure ne fut pas épargnée lors de la révolution, les biens furent séquestrés et vendus, et le propriétaire, Monsieur de Reverseaux, arrêté à Chartres, est condamné à mort en février 1794. Il fallut attendre 1804 pour voir le château de Beaumont enfin restauré par Joseph Augustin, baron de Besenval. Les embellissements dus au baron de Layre, à la fin du XIXe siècle, apporteront à la demeure le caractère que nous lui connaissons aujourd'hui."
En cette fin de reportage, peut-être vous demandez-vous quel est le lien entre ce voyage avorté en Bretagne et la "naissance d'Aventurine".
C'est pourtant simple: j'aime bien trouver un nom à mes voitures. Chamousette est un clin d'œil à son premier propriétaire, le Général Chamoux.
Pour l'Anjou, je cherchais un diminutif sympa et féminin. Sa couleur est vert Raphaël. Une petite recherche sur les pierres vertes m'a fait découvrir les pierres roulées, appelées "Aventurine". Ces pierres roulées sont toutes en rondeur, comme l'Anjou. Liaison capillotractée, me direz-vous. Et pourtant, pas vraiment. La suite des aventures d'Aventurine vous convaincra que cette voiture a tout d'une baroudeuse aventureuse. C'est d'ailleurs Elise, aux commandes du rajeunissement de la présentation de ce blog, qui m'a la première évoqué cette notion de "baroudeur".
Et puis en lithothérapie, l'aventurine est créditée de nombreuses vertus:
Si vous n'êtes pas déjà convaincus, je suis sûr que vous le serez au fil de ses aventures...
© Eric Nicolas 2021. Site créé par l'Astrolabe 🚀
Fiabiliser pour rouler, rouler pour fiabiliser ... c'est un adage qui s'applique à nous tous
Bravo pour cette belle histoire
Bonjour,
Effectivement plus on roule plus la voiture est fiable
Merci de votre commentaire