Voyage de retour de Saint-Raphaël en Hotchkiss
Quand on est encore en activité, faire des rallyes à l'autre bout du pays ne relève pas que de l'organisation. Si la descente dans le Var pour que la voiture soit déjà sur place au moment voulu était chose aisée en utilisant les vacances d'été, la remontée devait se faire plus rapidement pour que cela soit compatible avec les impératifs professionnels.
Il va de soi, au moins en ce qui me concerne, que prendre l'autoroute avec une voiture de soixante-dix ans est inconcevable. C'est donc pour parcourir deux étapes de cinq cent kilomètres chacune, qu'au volant de Chamousette je prends la direction du Loiret dès la fin du rallye des Clubs de Marque.
Je n'aime pas beaucoup la RN7, mais comme je souhaite ne pas reprendre l'itinéraire suivi à l'aller, il n'y a guère d'autre solution pour aller vite. Ceci dit, il n'est pas non plus question de ne faire que des kilomètres et de passer à côté de points d'intérêt sympas.
A moins de quatre-vingt-dix kilomètres du départ, et après avoir croisé Yves, un autre adhérent du Club Hotchkiss qui rejoignait l'Abbaye du Thoronet, c'est à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume que s'effectue la première halte.
Nous sommes en Provence verte. Si le village mérite sans doute d'y flâner, c'est la basilique qui justifie l'arrêt. Ses soixante-treize mètres de longueur, quarante-trois mètres de largeur et vingt-neuf mètres de hauteur en font le plus grand monument gothique de Provence. La basilique est dédiée à Marie-Madeleine, ou Marie de Magdala, dont elle abrite les reliques, ce qui en fait le troisième tombeau de la chrétienté.
Le chantier commence en 1295 sur ordre du futur Roi de France Charles II et sur les plans de l'architecte Pierre le Français. Plusieurs fois interrompue, la construction dure jusqu'en 1592, année au cours de laquelle les travaux sont définitivement stoppés. Si la façade donne une impression de destruction ou d'inachevé c'est parce que le portail et la grande porte d'entrée de la basilique n'auront jamais été édifiés.
Marie-Madeleine est une des disciples de Jésus. Nous ne rentrerons pas ici dans les polémiques et légendes autour de sa vie. Elle sera dit-on témoin de la mort de Jésus, de sa mise en croix et de sa résurrection. Après ces évènements elle quitte Béthanie et rejoint les Saintes-Marie-de-la-Mer, puis Marseille. Elle gravit les pentes du massif de la Sainte-Baume et s'installe dans une grotte dans laquelle elle mourra.
La basilique regorge aussi de peintures et de sculptures sur bois.
Dès la pause terminée, la montagne Sainte-Victoire s'affirme, au nord et du haut de ses 1011 mètres, comme le point d'orgue de cette partie de la Provence. Ayant passé dix-sept ans à Aix-en-Provence, ce sont des bouffées de souvenirs qui resurgissent à la vue de ce massif immortalisé par le peintre Cézanne. Si le mont Ventoux est majestueux, le Luberon pataud, la Sainte-Victoire, quant à elle, est gracieuse et fine. Selon d'où on la regarde, elle offre des visages biens différents. En faire le tour est aisé? Comptez soixante-dix kilomètres avec le franchissement du col des Portes (675 mètres) et des passages à quinze pour cent.
Une petite erreur d'orientation dans l'imbroglio d'autoroutes qui ceinturent le sud et l'ouest d'Aix-en-Provence me fait prendre la route des écoliers qui rejoint Ventabren, petit village exposé, comme son nom l'indique, au Mistral. Cette route, mainte fois parcourue à vélo, et sur laquelle j'ai, il y a très longtemps, conduit pour la première fois une Alpine A310, longe la vallée de l'Arc, du nom de la rivière qui y coule. Mais c'est surtout son pont-aqueduc qui est notable. Long de trois cent quatre-vingt-treize mètres, et haut de quatre-vingt-deux mètres, il sert à acheminer une partie de l'eau de la Durance à Marseille pour mettre la cité phocéenne à l'abri du manque d'eau pendant les grandes sécheresses.
En prenant cette route je suis surpris par le nombre de voitures anciennes qui me croisent. La raison de cette affluence peu habituelle m'est donnée, lors d'un arrêt photos, par un conducteur soucieux de savoir si j'ai un souci justifiant mon stationnement. C'est le jour du rassemblement annuel du club de Ventabren sur le plateau. Mon sang ne fait qu'un tour et c'est avec facilité que Chamousette gravit les cinq kilomètres qui séparent le pied de l'aqueduc du plateau.
Au sommet de l'éperon rocheux sur le flanc duquel le village de Ventabren est accroché, subsistent les ruines du château de la Reine Jeanne.
Vers 975, Guillaume 1er, Comte de Provence, ayant chassé définitivement les Sarrazins de leur repaire du Fraixinet (du côté de Saint-Tropez) après la bataille de Tourtour, fait distribuer à ses compagnons d'armes les terres libérées. Ces derniers construisent alors des ouvrages fortifiés dont le château de Ventabren, dénommé à cette époque "le château royal". C'était un imposant ensemble défensif totalement inaccessible du côté du couchant, encadré de tours rondes ou carrées et de remparts, avec des murs d' 1,8 mètres d'épaisseur.
Jeanne, fille de Charles d'Anjou-Sicile, duc de Calabre, et de Marie de Valois, devient reine de Naples et comtesse de Provence en 1343. De 1374 à 1381 elle possède la seigneurie de Ventabren.
Pour en savoir plus sur la vie mouvementée de cette reine, je vous conseille le site suivant.
A l'est du plateau, la salle du village porte le nom de "salle Reine Jeanne". C'est dans la vaste pinède qui l'entoure que le club Ventabren Rétro Passion organisait son dixième anniversaire.
Au regard des photos disponibles sur le site du club, ce sont de très nombreuses voitures qui étaient présentes, pour tout ou partie de la journée. Chamousette y figure d'ailleurs.
Il est midi et il reste pas loin de 350 kilomètres, donc la pause va être de courte durée. Elle sera cependant assez longue pour me permettre de rencontrer le neveu d'un récent propriétaire d'Hotchkiss normand. Le monde est petit.
Le commentaire de Chamousette. " Je veux bien que l'on parle d'ombre, mais considérant notre heure d'arrivée, tous les pins étaient pris et c'est au soleil que j'étais. Remarquez, parfois il vaut mieux fuir les résineux à moins d'aimer les taches collantes sur la carrosserie".
Le voyage continue en direction d'Arles et de Nîmes. Cette fois ce sont les contreforts des Alpilles qui nous accompagnent.
Peu après la traversée de La-Fare-les-Oliviers, nous tangentons la petite ville de Saint-Chamas et apercevons le pont romain antique Flavien qui enjambe la Touloubre. Nous retrouvons là la voie romaine reliant Arles à Marseille. Classé aux Monuments Historiques, il tient son nom de son promoteur Claudius Donnius Flavius.
Les villes d'Arles, de Nîmes puis d'Alès sont assez rapidement dépassées. Les paysages plats n'appellent pas de commentaires particuliers. Par contre, après le contournement d'Alès, et dès que la route s'élève, le paysage change radicalement. Nous pénétrons dans les Cévennes.
Avez vous entendu parler du château de Portes? Il est aussi surnommé le Vaisseau des Cévennes. A le regarder sous cet angle, on comprend vite pourquoi.
Construit sur le col du même nom, il surveille l’ancien chemin dit de Régordane qu’empruntaient les pèlerins de Saint-Gilles et les Croisés partant vers la Terre Sainte.
Du château, le point de vue sur les Cévennes est extraordinaire.
L'exploitation intensive de la houille a fragilisé les sous sols. Le village devenu dangereux a été rasé et reconstruit plus loin. Le château subira aussi de gros dégâts. Les terrains se sont depuis stabilisés, et une association s'est créée pour sauver le monument classé aux Monuments Historiques depuis 1984.
Le reste de l'après-midi n'est qu'une succession de routes sinueuses et de petits cols. Certaines vallées ont été noyées.
Le point le plus haut que nous passons est le col du Pendu, à 1435 mètres d'altitude. Ici, on a déjà anticipé sur la neige à venir et les balises jalonnent les bords des routes.
Chamousette a bientôt avalé les premiers cinq cent kilomètres sans soucis.
Le commentaire de Chamousette. " Sans soucis, certes, mais pas sans donner une impression de flatulence dans les descentes. L'avance à l'allumage sera décidément un point à traiter à mon retour. D'aucun trouvent que cela donne un caractère sportif. Personnellement je trouve que cela ne sied guère à mon apparence bourgeoise".
L'hôtel réservé pour la nuit se trouve au Puy-en-Velay, cité connue pour ses dentelles. Grâce à la gentillesse d'un client de l'hôtel, je peux même mettre la batterie en charge pendant la nuit pour refaire le plein d'énergie.
Le commentaire de Chamousette. " J'espère qu'il n'aura pas l'idée saugrenue de vouloir m'affubler de dentelles pour protéger les sièges! Je sais que le ridicule ne tue pas, mais quand même!"
En ce milieu du mois de septembre, les illuminations sont toujours à l'honneur, et c'est une fois rassasié que je profite des différents spectacles. C'est la deuxième fois, mais je ne m'en lasse pas. C'est Le Puy de Lumières.
Parmi les neuf bâtiments mis en scène, je vous en propose deux. Pour voir les autres vous pouvez cliquer sur ce lien .
Les mises en scène sont de Gilbert Coudène, Laurent Lhuillery et du studio BK, concepteurs entre autres des spectacles lumière des remparts de Marrakech (COP 22), des Terreaux à Lyon et de La Villa Médicis à Rome.
Après une nuit de recharge des accumulateurs, tant pour le conducteur que pour l'auto, nous continuons plein nord. Sur le parcours, un panneau indiquant une église digne d'une halte me donne envie de bifurquer.
J'avoue que je ne savais pas ce que “Casa Dei” ou casadéen voulait dire, avant cette rencontre avec cette église, un peu perdue au milieu du village de Dore-l'Eglise, commune du parc naturel régional Livradois-Forez.
Un site casadéen est un élément architectural (abbaye, église, prieuré etc.) ou paysager (cours d’eau, forêts etc.) qui dépendait depuis le XIe siècle de la congrégation bénédictine de la Chaise Dieu (« Casa Dei » en latin, maison de dieu). Sur les 874 sites recensés en Europe, 95 sont en Haute-Loire.
Face à l'hôtel restaurant du Ripailleur, l'église Sainte-Blaise est l'un de ces bâtiments Casadéens. Elle date des XIIe et XIIIe siècles. Les colonnettes que vous voyez sous le portail sont surmontées d'un chapiteau. Certaines des volutes sont le signe que cette église est sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Peu après c'est Ambert qui se dessine. Tous ceux qui y sont déjà passés connaissent la mairie ronde. Aujourd'hui je vous propose l'église Saint-Jean d'Ambert.
L'église est construite entre 1471 et 1550 dans le style Gothique Flamboyant.
A l'intérieur, quelques particularités remarquables méritent l'attention du visiteur. A titre d'exemple, la statue en bois peint de Notre-Dame de Layre. Classée, elle date au moins du XVIIIe siècle. Elle a remplacé celle brulée en 1793.
Le temps passe et il faut avancer. Peu après Vichy c'est le château de Billy (Allier) qui sert de prétexte à une petite pause. Il est la propriété de la commune de Billy. Nous sommes dans le Bourbonnais.
Billy (et son château) connurent probablement leur apogée aux XVe et XVIe siècles. A cette époque, la châtellenie étendra sa juridiction sur 62 paroisses et 3 seigneuries, ce qui en fera, à cet instant, la plus vaste circonscription, en second, sur les 17 châtellenies bourbonnaises recensées.
La dernière étape a bien failli tourner court. J'avais repéré sur la carte un château du nom de "Château du Riau" à proximité de la RN7 que j'ai rejoint. J'arrive au portail vers 13h45. La plaque destinée aux visiteurs indique que les visites commencent à 14h00. Le timing est donc parfait.
Le portail est fermé. Il n'y a pas âme qui vive dans la longue allée de tilleuls. Le temps passe et rien ne se passe. Chamousette s'impatiente devant tant de désinvolture. Ce n'est pas à une fille de général que l'on apprend la ponctualité!
La technologie des smartphone me permet de trouver sur Internet le numéro de téléphone du dit château, absent de la plaque extérieure. Après quelques sonneries, la châtelaine décroche et se confond en excuses pour ne pas avoir vu passer l'heure. Elle diligente son époux, Joseph Durye, qui sera un guide charmant.
Nous sommes au nord de l'Allier, dans la Sologne Bourbonnaise et au nord de Moulins. Construit sur une motte féodale, le Riau est doté d’une enceinte fortifiée complète et entouré de douves en eaux vives. On accède à la cour du château par un pont-levis et une imposante tour d’entrée flanquée de deux tourelles.
Le jardin a fortement souffert de la sécheresse de l'été et le niveau de l'eau est bas dans les douves.
En revanche, tout est visible dans ce bâtiment qui servait à stocker les récoltes que les paysans donnaient au seigneur.
A l'intérieur, c'est la charpente qui est remarquable.
Une petite chapelle a été aménagée dans une des tourelles bordant le pont-levis.
D'une difficulté il faut faire une opportunité. N'étant jamais sûr du niveau de charge de la batterie, j'ai demandé au châtelain la permission de mettre en charge le temps de la visite. Du coup, Chamousette a bénéficié de l'autorisation de pénétrer dans l'enceinte du château. Une photo s'imposait au moment de la sortie.
La suite du trajet ne présentait que peu d'intérêt. Le récit du retour prend donc fin dans l'Allier. Jeu de mot facile, je vous l'accorde. En tous cas, ce fut un voyage sympathique; fatigant mais sympathique.
Pour le moment, Chamousette est hébergée chez l'oncle de la Sarthe pour l'entretien annuel et quelques améliorations.
Pour l'année de ses soixante-dix ans, elle aura parcouru 5077 kilomètres et consommé presque 820 litres d'essence. Un record! 2020 sera aussi une grosse année avec deux rallyes Hotchkiss (Loriol (26) et Beaune (21)), le rallye des Clubs de Marque dans la région de Rambouillet et sans doute un rallye en Grande Bretagne, non loin d'Oxford.
Voyage de retour de Saint-Raphaël en Hotchkiss
© Eric Nicolas 2021. Site créé par l'Astrolabe 🚀