Le Rallye des Clubs de Marque 2019 dans le Var
Celles et ceux qui lisent régulièrement les reportages de ce site ne seront pas surpris de lire un compte-rendu du Rallye des Clubs de Marque de septembre 2019, puisque, à travers quatre articles, nous avions retracé ici le voyage de Chamousette pour descendre sur la côte Varoise en juillet, en anticipation de l'évènement.
C'est en février 1970 que, dans le but de s'entraider et de fonder des relations amicales entre les divers clubs de voitures d'époque de marque, même si celles-ci existent encore, que l'Association des Clubs de Marque voit le jour.
Régie par la loi du 1er juillet 1901 et créée par les Clubs fondateurs représentant quatre « Marques de voiture classique » (Delage, Bugatti, Salmson et Hispano-Suiza), c’est-à-dire de "voiture de prestige qui, par sa conception, sa qualité, son élégance ou ses succès sportifs, mérite de voir son nom et son souvenir conservés et dont, dans le cas des marques disparues, suffisamment d’exemplaires ont été conservés pour justifier la formation d’un club spécial".
Depuis, le cercle s'est élargi et, jusqu'il y a peu, comprenait onze marques. Mais il arrive parfois que certains clubs décident, temporairement ou plus définitivement, de prendre leurs distances avec la structure. Récemment, lors de leur assemblée générale, les membres de Lorraine-Dietrich ont décidé de se retirer. Cela ne changera pas la face des rallyes car, en dehors de ceux que Lorraine organisait, leurs voitures n'étaient presque jamais présentes. Il reste donc dix grands constructeurs:
Bugatti, Delage, Delahaye, Facel-Vega, Hispano-Suiza, Hotchkiss, Panhard-Levassor, Salmson, Talbot et Voisin.
Pour le rallye annuel organisé à tour de rôle, c'est l'Amicale Salmson qui était en charge cette année d'accueillir les autres membres, et c'est sur la côte Varoise que le rendez-vous avait été donné à la quarantaine d'équipages.
Dès le premier jour, le circuit nous permettra de longer la côte Varoise d'Agay à Cannes. Agay, de par sa rade, est supposé trouver son origine dès la préhistoire. La tribu celto-ligure des Oxybiens en aurait même fait sa capitale. Agay viendrait du grec Agathon qui signifie bon, tant la baie protégeait les bateaux. (exclusivité 3Avs! vous ne lirez pas cela dans l'article de LVA!).
Bref, pour reprendre ce que disait Daniel, le président actuel de l'Association des Clubs de Marque, rouler le long de la mer est un plaisir immense dont on ne se lasse pas. Mais nous en reparlerons plus loin.
Pour en revenir au jeudi, les équipages rejoignent l'hôtel du Golf de Valescure, à Saint-Raphaël, tout au long de l'après-midi.
Les dix marques ne seront pas toutes sur la route mais la plupart sont présentes. Cas un peu particulier, cette Hispano-Suiza qui n'a pas roulé depuis longtemps restera sur le parking.
L'Amicale Salmson, organisateur oblige, est la plus représentée par le nombre d'automobiles, avec une grande variété de modèles. Cette Delahaye roadster renforce le parc des cabriolets.
La deuxième place au palmarès des clubs les mieux représentés revient au club Hotchkiss, avec sept voitures, allant de l'AM2 de la fin des années vingt à la Monceau des années cinquante.
Pour n'oublier personne, la rarissime Monceau 1955 de Geneviève clôt le bal des Hotchkiss. Si vous lui trouvez un air de ressemblance avec une Salmson 2300 S, c'est qu'Henri Chapron s'en est peut-être un peu inspiré.
A son arrivée, Chamousette s'est trouvée une copine: une Delage .....
Le commentaire de Chamousette. " Si l'on dit souvent qu'il vaut mieux faire envie que pitié, pour avoir vu la difficulté à manœuvrer cette Delage, je préfère mon gabarit! Et puis c'est bon pour le moral de poser à côté d'une copine plus forte que soi! Tout d'un coup, les complexes dus au poids passent au second plan"
Dès le vendredi matin nous prenons la direction de Cannes par la route RN 98 qui longe la côte, entre voix ferrée et Méditerranée.
Une fois encore, nous traversons un village qui a inspiré Hotchkiss dans ses choix pour donner un nom à ses modèles: Anthéor. Lors du rallye national en 2014, trois Anthéor (version cabriolet de l'Anjou) avaient pris la pose face à la mer.
La météo est excellente. Sans être caniculaire, la température est suffisamment élevée pour que certains moteurs donnent des signes de surchauffe pendant la traversée de Cannes, mais tant que l'on roule tout va bien et les cabriolets sont dans leur élément.
En arrivant dans la baie de La Napoule, la vue dégagée sur les Alpes est tout simplement magnifique. Jugez par vous-même.
Mais, en surplomb, un drôle de bâtiment attire l'attention. Il s'agit du Palais des Bulles de Pierre Cardin. Imaginée et construite pour Pierre Bernard par l'architecte Hongrois Antii Lovag (1920-2014), la maison fut rachetée et agrandie par Pierre Cardin.
Enfin, peut-on encore appeler cela une maison? 1200 m2, une salle de réunion pouvant accueillir trois cent cinquante personnes assises, dix suites, un amphithéâtre extérieur de cinq cents places... L'endroit idéal pour recevoir les invités pendant le Festival de Cannes.
La visite n'était pas prévue au programme, mais je vous propose quand même quelques photos récupérées sur le site du Palais. Cela vaut le détour! En ce qui me concerne, j'adore!
Ici, tout n'est que bulles et arrondis. Pierre Cardin disait que c'est le corps d'une femme! Je trouve cela paradoxal si l'on considère les lignes filiformes et donc sans rondeurs des mannequins de la haute couture!
L'architecte a souhaité un retour aux sources et aux grottes ancestrales. Tout est sphérique. Le Palais Bulles est inscrit aux Monuments Historiques depuis 1999.
Pas facile à meubler, mais Pierre Cardin y a mis sa collection de meubles des sixties et seventies. Si le style suscite en vous une furieuse et incontrôlable envie d'en savoir plus, sachez que la première réalisation d'Antti Lovag, "la maison Gaudet", située non loin et du même genre, se visite sur rendez-vous. Vous pouvez aussi suivre ce lien qui propose une rapide biographie de l'artiste.
Changement complet de style. La traversée de Cannes en cette veille du Salon Nautique nous amène au cap d'Antibes, dans une villa prestigieuse comme seule la Riviera en propose: la Villa Eilenroc. Son nom est l'anagramme du prénom de Cornélie, l'épouse de Hugh-Hope Loudon, le commanditaire.
Cette demeure d'exception, bâtie dans un parc de onze hectares au Cap d'Antibes, est de style néoclassique. Seul un sentier la sépare de la mer. Des personnages importants comme le roi Leopold II de Belgique et le roi d'Egypte Farouk l'ont occupée.
Sa construction remonte à l'époque où la haute société européenne venait séjourner sur la Côte d'Azur pendant l'hiver. C'est l'architecte Charles Garnier (1825-1898) qui la réalise. Son nom vous dit sûrement quelque chose puisqu'il fut aussi le vainqueur (au détriment de Viollet-le-Duc dont le projet fut refusé) du concours qui devait désigner l'architecte de l'Opéra de Paris, communément appelé maintenant l'Opéra Garnier.
La Villa est spécialement ouverte pour nous. Les voitures se garent tout autour. Certains avions s'y risquent même!
Plaisanterie mise à part, je vous propose un petit zoom sur cette auto splendide: l'Aérodyne Voisin.
Cette voiture est tout bonnement extraordinaire. Son toit ouvrant, percé de hublots, coulisse sur la partie arrière.
Bien que le rallye coïncide avec le Circuit des Remparts à Angoulême, qui comme chacun sait attire de nombreuses filles d'Ettore, quelques Bugatti se sont quand même jointes à nous.
Pour en revenir à la villa, fruit d'un amour entre Hugh-Hope Loudon et Cornélie, et sachant que amour ne rime pas forcément avec toujours, elle est vendue au bout de dix ans, quand le couple se sépare.
Après différents propriétaires, elle est acquise en 1927 par Louis Dudley Schönberg, homme d'affaire américain, marié à une Cendrillon française, Hélène Thomas. C'est elle qui la modernise et la transforme. A la mort de son mari, Hélène se retire à Monaco et cède la propriété à la ville.
François Mitterrand y séjournera en 1988 à l'occasion d'un sommet Franco Africain.
Nous ne visiterons que les pièces du rez-de-chaussée et toutes ne sont pas meublées.
Quand on positionne deux miroirs de part et d'autre d'une pièce, l'effet d'optique est saisissant. Chaque miroir renvoie l'image de l'autre à l'infini.
De l'esplanade où les voitures sont stationnées, on découvre à travers les pins une fort belle vue sur la mer.
Mais le parc offre aux visiteurs un jardin, et pas un simple jardin, mais un jardin des arômes.
Afin de renforcer la coopération internationale dans son domaine de compétence, l'EPLEFPA (Etablissement Public Local d'Enseignement et de Formation Professionnel Agricole) d'Antibes a rejoint plusieurs partenaires italiens et français pour un projet commun autour des plantes aromatiques : le projet Aroma.
Sur la partie de la Riviera s'étendant de Théoule-sur-Mer à Savona, l'objectif de ce projet est de récupérer et valoriser des espèces aromatiques pour des utilisations ornementales, paysagères, extractives et alimentaires. Sont concernées les plantes aromatiques et à parfum, médicinales et alimentaires. Dans le cadre d'Aroma, elles sont inventoriées et leurs caractéristiques étudiées pour leur potentialité en aménagement urbain et pharmacopée.
Ce sont quelques roses peu communes que je vous propose ici. Toutes ont des noms de personnes célèbres: Jubilé du Prince de Monaco, Christophe Colomb, Lolita Lempicka...
Non seulement la mairie nous a déroulé le tapis rouge en ouvrant exceptionnellement les portes du domaine, mais Jean Leonetti (à gauche sur la photo), maire d'Antibes, nous rejoint pour un discours, aux côtés de Jean Pierre, le président de l'Amicale Salmson.
Mais, me direz-vous, que vient faire ici cette Rally. Cette petite marque a un lien avec Salmson puisque à partir de 1931, ce sont des moteurs Salmson qui les motorisaient. Venue de Savoie, la voiture effectue sa première sortie de remise en route et rencontrera de nombreux soucis.
Il est l'heure d'aller déjeuner et nous prenons la direction de la plage de la Garoupe, à l'est du Cap d'Antibes. Les plus érudits d'entre vous se souviennent peut-être du circuit de la Garoupe sur lequel était organisé le Grand Prix Automobile d'Antibes. Ce sont des Bugatti 35B qui remportent l'épreuve en 1928, 1929 et 1932, mais des Salmson y concourraient aussi. C'est Monaco et son circuit en ville qui vont prendre le relai. L'aventure du Grand Prix d'Antibes n'aura pas duré longtemps.
Mais pour le moment c'est le restaurant "Le César" qui nous accueille, reconnaissable par la sculpture qui domine son toit.
De la plage, de la terrasse ou des différentes salles à manger, la vue sur la baie d'Antibes est juste exceptionnelle. Je peux aussi louer la gentillesse du personnel de service.
L'après-midi est bien avancé et nous rentrons par la RN7, en longeant l'Esterel et le mont Vinaigre. Des hauteurs de La Napoule, les îles de Lérins se détachent sur un camaïeu de bleus et de verts.
La soirée est provençale. Un groupe folklorique anime l'apéritif pris en plein air.
Le lendemain, nous prenons la direction de l'intérieur des terres en empruntant dans le sens opposé les quinze derniers kilomètres de la RN7 pris la veille. Il est étonnant que la perception soit aussi différente dans un autre sens. J'ai toujours préféré les montées aux descentes. Toujours est-il que la montée du Vallon de la Moure (les amateurs de la RN7 connaissent) m'a semblée plus plaisante que sa descente le vendredi. Trois kilomètres après le petit col du Testannier (311 mètres), nous bifurquons sur une toute petite départementale qui traverse le joli village des Adrets de l'Esterel.
Le commentaire de Chamousette: " Evidemment, on me force l'allure en descente et il faut de bons petits bras pour maintenir le cap dans les virages, alors qu'en montée mon couple légendaire fait merveille dans les sorties de courbes!"
Au bout de cinq kilomètres, nous croisons la sortie 39 de l'autoroute A8 et continuons en longeant le lac de Saint-Cassien. C'est un site de repli pour celles et ceux qui, l'été venu, recherchent un peu de fraicheur. En cette fin d'été, le niveau d'eau est assez bas.
"Le Lac de Saint-Cassien est un espace naturel protégé où la nature est reine. Véritable coin de pêche, il se démarque par la présence de gros poissons. De la pêche ludique des ablettes en surface à la pratique du float-tube, le lac de Saint-Cassien est une destination aimée des pêcheurs ! Sur la partie Est du Lac se situe la réserve biologique de Fondurane qui abrite une grande variété d’oiseaux (plus de 180) ainsi que la Cistude d’Europe, l’Hirondelle rousseline, et une des trois stations du Faux Chêne liège et du Chêne chevelu."
Il ne faut pas longtemps pour que les voitures parties de l'hôtel après moi apparaissent .
En "Gentleman", Jean-Michel pilote sa superbe Delage D6 3 litres course de 1946. Regardez bien cette auto car vous la retrouverez dans l'exposition Delage d'Epoqu'Auto. Il était aussi avec nous l'an dernier pour le rallye du Club de Marque en Anjou.
Nous reprenons assez rapidement la route qui relie Draguignan à Grasse, destination de la matinée. Ce sont les établissements Fragonard qui nous accueillent avec le tapis rouge. Nous sommes superbement reçus par une armée d'hôtesses et les places de stationnement situées devant le bâtiment nous ont été réservées.
La visite de l'usine se décline en trois phases: une explication du fonctionnement de la ligne de fabrication des savonnettes, un atelier de confection de parfum à base de différentes essences de lavande et un tour dans la boutique.
Sitôt la visite terminée, nous prenons la direction de la vieille ville de Grasse. Cette ville est construite à flanc de colline. Les origines de Grasse remontent au Ve siècle, mais les premiers écrits date du XIe siècle. Après avoir été une cité médiévale à l'activité de tannerie, la ville est depuis deux cents ans la capitale du parfum. N'y a-t'on pas créé le n°5 de Chanel?
A la fin du XIXe siècle, les premiers "hivernants" britanniques ne se contentent pas d'envahir les palaces du bord de mer. La pureté de l'air des premiers contreforts des Alpes, associée à l'ensoleillement, attirent aussi les résidents saisonniers. Pour les distraire, un casino est construit en 1895, face à la mer. Il deviendra un cinéma en 1927, avant d'abriter le Palais des Congrès à partir de 1988.
Au terme d'une ascension pénible (la ville est une succession de lacets encombrés) et avant d'aller déjeuner, nous exposons les voitures sur une place ombragée dominée par le Palais des Congrès. Le public a tout loisir de contempler les automobiles garées pour la plupart à l'ombre des platanes, tandis que nous attendons l'arrivée du maire.
Jérôme Viaud, le Maire, fait l'éloge dans son discours de nos voitures de collection, et, si j'ai bien compris, nous invite à revenir quand nous le voudrons.
Enfin libérés, nous prenons la direction de Saint-Vallier-de-Thiey par la Route Napoléon. Ironie de l'histoire, Grasse reçut fraîchement Napoléon à son retour de l'Ile d'Elbe, et c'est pourtant dans un restaurant du nom de "Relais Impérial" que nous prenons un déjeuner bien mérité.
Le retour s'effectue par de toutes petites routes sur lesquelles se croiser est un challenge, à travers l'arrière pays. Comme souvent, certains rencontrent de petits soucis, mais rien qui remette en cause le retour à Saint-Raphaël.
Après une première soirée provençale, le dîner de gala se tiendra au son d'un groupe de Jazz, en référence au festival de Jazz d'Antibes créé en 1960 et qui deviendra plus tard " Jazz à Juan ".
Pour ceux qui avaient le temps, une demi-journée supplémentaire était proposée. Au programme, la visite de l'Abbaye Cistercienne du Thoronet et un dernier repas à base de truffes.
En ce qui me concerne, il me faut rentrer au plus vite pour reprendre le travail le mardi. C'est donc dès le dimanche matin que Chamousette et moi reprenons la route du Loiret, mais retour rapide n'empêche pas de prendre une fois de plus des routes sympathiques parsemées de visites… Un récit suivra...
Le Rallye des Clubs de Marque 2019 dans le Var
© Eric Nicolas 2021. Site créé par l'Astrolabe 🚀
Très beau et très instructif récit.
Merci de s'y être consacré.
Bonsoir Jean Pierre,
Je suis surpris que tu n'en prenne connaissance que maintenant, mais si cela te convient alors c'est parfait.
Bonne soirée
Eric