Rétro-camping dans le Berry épisode 4 et fin
Cet intermède en rétro-camping arrive à son terme. La caradeuch est attelée et nous reprenons la direction du nord. Les guides indiquent un lieu d'intérêt, au label des plus beaux villages de France: Apremont-sur-Allier.
Le commentaire de Korrigan: Ce que l'auteur de ce reportage oublie de signaler, c'est qu'à peine franchi le panneau indiquant l'entrée du village, nous fûmes assaillis par les crépitements des appareils photos. De toutes les vitres de la voiture jaillirent des objectifs pour nous immortaliser! Et puis, comme disait Alphonse Allais, ne me demandez pas mon âge, il change tout le temps!
C'est vrai, des Australiens en visite m'ont abordé. La Citroën est connue jusque de l'autre côté du globe! L'un des touristes m'a raconté avoir essayé la première 2cv importée en Australie par un de ses amis.
Le commentaire de Korrigan: nous étions donc des stars!
Apremont est au bord de l'Allier, non loin de la confluence avec la Loire. En ce mois d'août, le débit est faible et, en début de matinée, l'endroit respire la sérénité.
Tout le village appartient au même propriétaire. C'est entre les deux guerres qu'un maître de forges du Creusot, Eugène Schneider, va entreprendre une mise en valeur du village. Tout ce qui n’est pas en harmonie avec le site sera rasé pour être remplacé par des maisons reconstruites dans le style médiéval berrichon.
Au Moyen Age, c'est l'extraction des pierres, utilisées en particulier pour édifier la cathédrale d'Orléans, qui a rendu le village prospère. Aujourd'hui on n'y compte que soixante-dix résidents.
Eugène Schneider, maître de forges au Creusot et troisième de la dynastie industrielle, épouse en 1894 Antoinette de Rafélis-Saint-Sauveur. Lors de leur voyage de noces à Apremont, Eugène s’enthousiasme pour le site dont il rachète leurs parts à sa belle-mère et à ses beaux-frères. Pendant 50 ans il va améliorer le château, aujourd'hui classé, mais qui ne se visite pas.
Inconsolable de la mort de son fils, tué en combat aérien en 1918, Antoinette Schneider demande à son époux de lui donner un jardin. Le virus se transmet à la génération suivante et c'est en 1970 que Gilles de Brissac, le petit-fils, débute ce qui est devenu aujourd'hui le parc floral.
Il ne faut pas se fier aux quatre hectares, superficie en soi assez modeste, car d'un terrain plat il a été réalisé un jardin magnifique, à voir et à revoir au cours des saisons, sur une inspiration du fameux « jardin blanc » de Vita Sackville-West, à Sissinghurst (Angleterre).
Trois constructions ponctuent le parc. Au sommet de la colline se détache un belvédère octogonal, d'inspiration russe car suivant les plans d'Alexandre Serebriakoff (1907-1995). Outre sa position dominante, ce sont ses huit panneaux qui en font l'intérêt. Réalisés par la faïencerie Montagnon de Nevers, il font voyager bien au delà de l'hexagone puisqu'ils racontent le voyage autour du monde des « Pulcinelli ».
Le commentaire de Korrigan: Vous noterez le jeu de mots puissant sur octogone et hexagone! J'en ai les barrettes de calandre qui s'entrechoquent!
Je vous laisse juger par vous-même à travers quatre exemples, tous réalisés suivant des dessins d'Alexandre Serebriakoff. Il a quand même fallu dix ans pour exécuter la commande de tous les panneaux. Omniprésence des Polichinelles, bien entendu.
En descendant vers la partie basse du parc, on longe la cascade, construite grâce à l'empilage de six cent cinquante tonnes de rochers!
Un peu plus loin surgit un pont pagode dont le toit est en écailles.
A l'opposé du plan d'eau, le pavillon turc et son décor intérieur (de J. Robinet qui illustre les âges de la vie) évoque les rives du Bosphore et les splendeurs passées de l’Empire Ottoman.
Le commentaire de Korrigan: Gardez ce calembour pour vous. Si cela venait à fuiter ma réputation en pâtirait!
Au final ce parc est magnifique. J'aurais pu montrer et citer les espèces d'arbres rares, mais le mieux est que vous en fassiez l'objet d'une promenade dominicale un prochain dimanche, pendant les six mois d'ouverture au public.
Nous reprenons la route en direction de Bourges pour atteindre Jussy-Champagne.
Au bout d'une petite route, le château de Jussy apparait dans la perspective d'une allée bordée d'arbres.
Le commentaire de Korrigan: vous noterez la souplesse des articulations de ma motrice!
Le Château de Jussy date du XVIe - XVIIe siècle. Les travaux auraient débuté entre 1584 et 1591, sur ordre de François de Gamaches. C'est le petit-fils de François, Claude, qui termine le château sous l'autorité de l'architecte Jean Lejuge (1589-1660). Berruyer, il compte à son actif plusieurs bâtiments publics dans la capitale du Berry.
La famille de Gamaches vendra le domaine à la famille Gaucourt en 1702, qui le cédera à son tour à la famille de Bengy. L'intérieur du château ne se visite pas. Les propriétaires proposent simplement de parcourir le parc. Un petit guide à l'attention des visiteurs est laissé à l'entrée du parc. Je suis resté déçu par ce parc que certains disent remarquable. Il est majoritairement constitué d'étendues herbeuses sans beaucoup d'intérêt. Ceci reste une opinion personnelle.
Sur la commune d'Henrichemont, le lieu dit la Borne est un village de potiers. Mais c'est aussi là que se trouve le Musée le Totem qui présente les collections de Janet Stedman et Pierre Digan, deux acteurs incontournables des années 1960-1980 à La Borne.
Cela change des monuments construits il y a cinq ou six siècles.
A la sortie du village, une poterie type calvaire pose le décor: nous sommes chez des potiers.
Nous continuons par de petites routes et traversons le village d'Ivoy-le-Pré. Et c'est en grimpant la côte qui permet de rejoindre la route de Vailly-sur-Sauldre que j'entends comme un bruit de verre cassé. Quand on roule en ancienne, on développe une capacité à entendre tous les bruits suspects, annonciateurs d'une possible panne. Je n'ai pas vu sur la chaussée de bouteille sur laquelle j'aurai pu rouler.
Un arrêt s'impose, et je découvre que l'un des phares de Korrigan s'est détaché. Au contact du sol, le verre a bien entendu éclaté. Il ne me reste plus qu'à ramasser les morceaux. Korrigan va rentrer avec un seul oeil!
Le commentaire de Korrigan: A mon tour de faire de l'humour et de montrer ma zénitude. Qui va croire qu'après avoir traversé Ivoy-le-Pré j'y vois plus que d'un oeil? Nous aurions voulu le faire exprès que nous n'y serions pas arrivés!
La dernière halte s'opère au château de la Verrerie, à Oizon. Avec un peu de chance je vais y trouver un oeil de verre puisque le nom provient de la fabrique de verre qui existait jusqu'au XIXe siècle.
Le commentaire de Korrigan: je trouve cette blague de très mauvais goût!
Permettez-moi de citer l'académicien et Duc, René de la Croix de Castries (1908-1986): "Les châteaux de famille sont l'expression d'une synthèse où l'effort des siècles s'allie à la continuité des lignées. Eléments vivants du passé, ces terroirs ancestraux se manifestent comme un des devoirs impérieux du temps présent, car leur conservation, qui mérite d'être encouragée, demeure un sûr gage d'avenir"
Nous entrons ici dans le territoire des Stuarts. Au début du XVe siècle, les anglais étaient maîtres de la moitié du pays. Les choses ont bien changé puisqu'ils s'activent de nos jours à se renfermer sur eux-même. Bref, ce qui n'a pas changé par contre, c'est l'animosité entre les Ecossais et les Anglais.
Jean Stuart Darnley, cousin du Roi d'Ecosse, fort d'une petite armée de 450 hommes, va batailler aux côtés de l'armée française et contribuer à battre les anglais en 1421 lors de la bataille de Baugé (Maine et Loire). En récompense, Jean Stuart reçoit la Châtellenie d'Aubigny. Il sera le premier seigneur d'Aubigny de 1423 à 1429. Douze générations de la famille Stuart se succèderont.
Entre 1495 et 1500, Berault Stuart (quatrième seigneur d'Aubigny) agrandit le vieux domaine de la Verrerie. Robert Stuart (cinquième seigneur d'Aubigny) réalise une nouvelle série de travaux dont le décor de la chapelle.
A la fin du dix-neuvième siècle, Louis de Vogüé, dont la famille est propriétaire du château depuis 1842, entreprend la restauration et l'agrandissement de celui-ci avec l'architecte Paul-Ernest Sanson.
"Je tenais à trouver pour nos enfants un coin de sol sur lequel pussent se reposer les souvenirs de leur imagination de jeunesse et l'affection locale du foyer paternel. Ce lieu traduit parfaitement ce thème de mon cœur et de ma sollicitude" Louis de Vogüé, novembre 1849.
Le portrait ci-dessous est celui d'Eugène-Melchior, Vicomte de Vogüé, le fils de Louis (1848-1910).
Françoise de Hautecloque, nièce du Maréchal Leclerc et épouse d'Antoine, Comte de Vogüé, vont à leur tour restaurer le château. Ce que nous visitons aujourd'hui est le fruit de leur travail.
La chasse a toujours été une activité importante. C'est toujours le cas. En 1975, le propriétaire actuel fonde sous le nom de "le Bouquin Berrichon" un équipage qui pratique la vénerie du lièvre. La décoration s'en ressent.
Astuce d'adulte pour pouvoir surveiller les enfants: un petit balcon surélevé entre la bibliothèque et le grand salon.
La demeure se voulait être une maison familiale. On y retrouve donc toutes les pièces fonctionnelles habituelles. Le propriétaire actuel est Béraud, Comte de Vogüé, l'un des fils d'Antoine. Il va développer l'activité touristique de la demeure dans laquelle il est né.
Mais ce qui m'a le plus frappé lors de la visite est la chapelle et sa haute flèche. Elle daterait du XVe siècle. Les décorations datent de 1498.
La voute est peinte en bleu et semée d'étoiles d'or. Les médaillons sont des bustes représentant des membres de la famille des Stuart que l'on a voulu immortaliser.
Lors de la restauration de la chapelle en 1930, le grattage de l'enduit, dont on ne sait pourquoi il avait été posé, laisse apparaitre toutes les fresques. Elle seront restaurées.
Sur la partie haute des murs sont peints des apôtres et des martyrs. On y trouve aussi un mélange de fleurs de lys et de chardons, l'un des emblèmes de l'Ecosse.
Pourquoi les chardons? On raconte que lors d'un conflit opposant les Ecossais aux Vikings au XIe siècle, ceux-ci, lors d'une attaque nocturne, se déchaussèrent pour ne pas faire de bruit. Hélas, ils traversèrent un champ de chardons et ne purent s'empêcher de crier de douleur, avec pour effet de réveiller les écossais. C'est de cette anecdote que l’ordre de chevalerie du Chardon aurait été créée.
Au moment de traverser la Loire, nous sommes presque revenus à notre point de départ: Gien et son château ! Nous aurons parcouru environ 1000 kilomètres dans une région riche en patrimoine. C'est une très belle découverte.
Rétro-camping dans le Berry épisode 4 et fin
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