Club Hotchkiss Rallye National 2018 l'or blanc du Doubs
Si les noms de Robert Surcouf ou René Duguay-Trouin vous disent peut-être quelque chose, sans doute celui de Jacques Cassard vous est-il inconnu. Tout comme son ami et son cousin, Jacques Cassard était un corsaire.
Je sens poindre l'étonnement: que diable un corsaire vient-il faire au milieu d'un reportage sur l'or blanc du Doubs?
Et bien tout simplement parce que l'on prête à cet homme méconnu la fable suivante:
"Le sel, le sucre et les épices se mirent à discuter dans leur placard.
Le sel disait : « Quand on me rajoute dans un plat, j’en fais ressortir le goût. »
Les épices répliquèrent : « Avec nous, les plats ont du mordant. Nous leur donnons de la force. »
Et le sucre s’en mêla : « Moi, je les rends plus doux, un vrai plaisir pour les papilles ! »
Ils continuèrent ainsi à se disputer sans jamais se mettre d’accord quand, tout-à-coup, le cuisinier les sortit de leur placard.
Il sala un des plats, pour en faire ressortir le goût. Puis il prit les épices, pour donner du mordant et de la force à un autre plat. Enfin, il rajouta du sucre à son dessert, pour l’adoucir...."
Tout cela pour vous sensibiliser à la richesse que le sel représente. D'où l'expression, vous l'avez compris, "d'or blanc".
Connaissez-vous le personnage ci-dessous? C'est un gnome des tourbières, espèce protégée qui vit entre deux eaux stagnantes. Au demeurant rien de bien ragoûtant. Quel est le rapport avec le sel ? Cette fois, presque aucun, si ce n'est que je trouve juste ce petit lutin sympathique et qu'il faisait la tête d'affiche d'une exposition dans les locaux de la saline de Salin-les-Bains.
Ceci dit, dans l'ouvrage "De pierre et de sel" on apprend qu'il existe une mythologie du sel. Par exemple, une légende raconte qu'un homme reçut d'un étranger un moulin à sel, en récompense de sa générosité. Ce moulin suscite la jalousie et il se le fait voler. Mais le moulin ne cesse de moudre du sel, et pour se débarrasser de l'ustensile devenu gênant, le voleur le jette dans la mer. Ce serait l'explication des mers salées...
Bref nous sommes ici loin de la mer, quoique! En effet la présence de sel dans les sous-sols de la terre Franc-Comtoise s'explique par le fait que la mer recouvrit le pays puis se retira, et cela plusieurs fois, en laissant à chaque fois un dépôt de sel. Cela remonte à l'ère secondaire dont la fourchette se situe entre -245 et -65 millions d'années. Nous n'étions pas nés!
Il n'est pas dans mes intentions de rédiger ici un article sur le sel sous toutes ses formes. Il existe des ouvrages qui le font bien mieux que je ne saurai le faire, et ce n'est pas le propos de ce site.
Néanmoins, un résumé sera utile à la compréhension des photos qui suivent. Les submersions successives de la mer sur la partie Est de ce qui est aujourd'hui la France ont laissé des dépôts de sel gemme (chlorure de sodium cristallisé) entre les couches de marne et de calcaire. L'eau des sources, chargée en sel au contact des couches de gemme (saumure), est pompée et séparée des eaux douces qui sont, elles, rejetées dans la rivière locale: la Furieuse, affluent de la Loue.
Bref, notre groupe descendra dans les entrailles des galeries.
Dans la galerie ci-dessous, les mécanismes de pompage datent du XVIIIe siècle.
La Grande Saline est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Les méthodes de pompage évolueront au fil des siècles. Ce qui est sûr, c'est que les machineries hydrauliques seront installées trop tardivement, et que la compétitivité en pâtira.
Pour extraire le sel, la méthode est simple: on fait brûler du bois afin que la chaleur fasse évaporer l'eau préalablement mise dans des poêles ou chaudières. Le sel cristallisé est donc obtenu par évaporation de la saumure. Nous remontons donc dans la partie non souterraine de la Saline.
L'égouttoir en bois sert aussi de couvercle pour augmenter la température.
Les deux matériaux indispensables sont le bois et l'acier; le bois pour la chauffe (des essais avec du charbon n'ont pas été concluants) et l'acier pour fabriquer et réparer les poêles, très abimées par le sel et dont la durée de vie n'excède pas 2 à 3 ans..
A quelques centaines de mètres de la Saline se dresse la chapelle Notre Dame Libératrice. Son origine remonte au XVIIe siècle, pendant la guerre des 10 ans (un chapitre de la guerre de 30 ans.) Le roi Louis XVIII déclenche cette guerre sur le conseil de Richelieu, dans le but d'annexer la Franche-Comté à la France. Jusqu'en 1634 la Franche-Comté était neutre. Au final, et alors que la région est ruinée par la guerre et la peste, Mazarin lui rend,en 1644, sa neutralité, moyennant 40 000 écus. Il faut se faire une raison, les hommes d'église n'ont pas toujours mis en application les principes fondamentaux de leur religion.
La chapelle est construite entre 1649 et juin 1662 à l'initiative du Père Pierre Marmet, moine cistercien. Elle résulte de 3 vœux faits à la Vierge par la ville de Salins en 1638, 1639 et 1642, période de la Guerre de Trente Ans: protection contre l'armée ennemie du duc de Saxe-Weimar, contre la peste et contre la famine.
Après cet enrichissant passage à la Saline de Salins, nous prenons la direction de la Saline d'Arc-et-Senans. En fait les deux salines sont profondément liées.
La création de cette nouvelle saline est justifiée par deux raisons:
Le choix est simple:
C'est la deuxième solution qui est choisie, et cela sur la commune d'Arc-et-Senans. Mais me direz vous, quid du sel? Vous avez raison, il faut donc apporter la saumure, ce qui est rendu possible grâce à une canalisation de 21 kilomètres qui alimente la nouvelle saline par gravité, en exploitant les 143 mètres de dénivelé depuis Salins. Point d'aqueduc, mais un simple "saumoduc" constitué d'un assemblage de troncs de sapins évidés puis emboités. Méthode simple qui utilise les ressources de la région mais dont l'étanchéité est douteuse, puisque les historiens estiment à 30% le niveau des fuites...
Bref, sur volonté de Louis XV, l'administration décide et confie le projet à un jeune architecte du nom de Claude-Nicolas Ledoux.
La Saline d'Arc-et-Senans va être édifiée en 4 ans, de 1775 à 1779. L'ensemble est pensé comme un lieu de vie (logements, bâtiments publics, culturels, sociaux, d'éducation, de culte, de soins ...) tout autant qu'un lieu de travail. Les ouvriers logent sur place et possèdent même un jardin pour y cultiver des légumes.
A travers une petite fenêtre de la maréchalerie on aperçoit la maison du directeur entre les deux bernes (bâtiments à sel). Les bernes servaient également de logement au chirurgien de la saline et au chef de cuite qui pouvait ainsi surveiller le travail des ouvriers.
Le choix d'alterner les pierre ronde et les pierres carrées dans l'édification des colonnes avait pour objectif de capturer le soleil et donc d'offrir un jeu d'ombre et de lumière.
Classées au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1983, les salines d'Arc-et-Senans ont fait l'objet de 60 ans de restauration par le département du Doubs, son propriétaire.
Sur le chemin du retour, nous faisons une halte dans la Villa Palladienne de Syam. Le moment est bien choisi pour cette visite, car on y fête le bicentenaire de sa construction: 1818-2018.
Édifié à partir de 1818, le Château de Syam dit “La Villa Palladienne” (du nom de son architecte), se caractérise par son plan carré. Son dessin a été réalisé dans l’esprit des belles villas Italiennes du Maître Andréa Palladio (XVIe siècle). C'est Jean-Emmanuel Jobez, maître de forges local, mais aussi homme politique (maire de Morez et député du Jura) qui en lance la construction. Il mourra en 1828, avant d'avoir vu l'achèvement de sa villa.
Fait marquant de la famille de Jean-Emmanuel Jobez, son grand-père était laboureur, serf, et que ce n'est qu'en 1778, soit 3 ans après la naissance de Jean-Emmanuel, que sa famille est affranchie. Trois ans plus tard, son père, Claude-Etienne, deviendra le premier maître de Forges de la famille. Un bel exemple d'ascension sociale.
Cette résidence sera plus tard la propriété de Sadi Carnot, un des présidents de la troisième République Française, assassiné dans le cadre de ses fonctions le 03 décembre 1887. Son tombeau se trouve au Panthéon.
Ce sont, semble-t'il, ses arrières petites-filles qui ont retiré les 36 000 ouvrages que contenaient les 24 mètres de la bibliothèque du château. Certains seront rachetés plus tard par les nouveaux propriétaires, Brigitte Cannard et Claude Darbon, et retrouveront leur place d'origine.
J'ai conservé en mémoire trois axes majeurs de la décoration du château: la collection d'instruments de musique, les tapisseries et la beauté des parquets.
Dans chacune des pièces visitées, non seulement le motif du parquet change, mais les essences de bois aussi.
Décoration de source pompéienne dans laquelle le trompe l'oeil s'impose comme une évidence.
Cette demeure bénéficiait pour l'époque d'un système de chauffage très performant. A partir d'une chaudière toujours en état de fonctionnement, une série de canalisations permettait de diriger l'air chaud dans telle ou telle pièce.
C'est justement parce que les conduits de ventilation sont restés ouverts que la maison est restée saine sans humidité, et que l'ensemble de son contenu a été préservé.
Au cas où vous ne seriez pas convaincus, cette région de France mérite le détour.
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